Table des matières
- Contexte : un mandat qui s’annonce plus complexe qu’il n’y paraît
- Charme rural et pièges administratifs à Saint-Oyens
- Dénouement : une vente qui n’aura pas lieu, mais pas en vain
Contexte : un mandat qui s’annonce plus complexe qu’il n’y paraît
Protagonistes : un courtier motivé face à un vendeur incertain
Moi, Vincent. Je venais tout juste de me lancer à mon compte, encore tout frais, encore un peu baigné d’illusion. Ou idéaliste. J’étais prêt à relever tous les défis, à affronter les situations les plus complexes… En face de moi : un propriétaire au discours vague mais au ton tranché. Il disait vouloir vendre. Mais dans les faits, on était plus proche du « j’aime bien l’idée de vendre » que d’une vraie démarche engagée.

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J’estime mon bienLe décor : une ferme figée dans le temps à Saint-Oyens
La ferme était située au pied du Jura vaudois, dans le village de Saint-Oyens. Imaginez une imposante bâtisse en pierre, avec ses volumes généreux et son cachet rural. Un vrai coup de cœur potentiel. Sur le papier. Parce que sur place… c’était une autre histoire.
La première fois que j’ai visité les lieux, c’était en plein hiver. Température extérieure : autour de zéro. Température intérieure : autour de zéro aussi. J’ai fait la visite emmitouflé, les pieds gelés, le souffle visible. Le chantier était à l’arrêt depuis plus de 10 ans. Littéralement figé. Les outils avaient l’air d’avoir été posés la veille… sauf qu’ils étaient recouverts de poussière et de rouille.
Une annonce intrigante et un début plein d’espoir
Je suis tombé sur une annonce de vente privée. Le prix affiché : 1’450’000 francs. Pas étonnant à première vue, mais difficile à estimer avec précision. L’objet m’intriguait. Ça sentait le défi, et moi, je suis friand de défis ! Il m’a fallu six semaines de relances, d’appels et de documents oubliés pour obtenir le mandat signé. Mais je l’ai eu.
C’était parti. Et j’étais loin de me douter de la galère qui m’attendait.
Charme rural et pièges administratifs à Saint-Oyens
Un bien atypique en zone piégée à Saint-Oyens
Dès les premières analyses, je sens que ça ne va pas être simple. On a un permis de construire, oui, mais qui date d’une décennie. Des travaux très importants avaient été lancés, puis stoppés net. Le propriétaire avait obtenu l’autorisation de transformer l’ancien rural en logement, mais il s’est arrêté en chemin. Et ce n’était pas un arrêt temporaire. C’était un gel total du chantier. Littéralement.
Mais j’avais le syndrome du courtier sauveur. Je me suis dit : « Vincent, tu vas leur trouver l’acquéreur idéal, celui qui va voir le potentiel et foncer. »
Spoiler alert : non.
Entre potentiel et contraintes : alliés et obstacles
Alliés :
- L’objet était unique. Ce type de ferme, on n’en voit pas passer tous les jours. Elle avait un charme certain.
- Le permis de construire était toujours valable. Sur le papier, c’était un atout.
Obstacles :
- Le bien était en zone agricole. Et qui dit zone agricole dit LDFR (Loi fédérale sur le droit foncier rural). Une loi dont j’allais apprendre, petit à petit, à mesurer certaines de ses subtilités, souvent à mes dépens.
En réalité, le bien était un cocktail d’obstacles en lui-même. Mais j’étais déterminé.

Les rebondissements : une année de montagnes russes
Lancement de la commercialisation : premiers espoirs sous la neige
Premières photos, premiers frissons – littéralement. On était en janvier. Anna et moi décollons le drone. Il y avait tellement de vent que j’ai cru qu’on allait faire un vol direct jusqu’à Berne. Mais on s’en sort, les photos sont belles, on publie l’annonce.
Les demandes arrivent. Mais les visites, ah, les visites…
Chaque rendez-vous me prenait une demi-journée. Entre le trajet jusqu’à Saint-Oyens, le froid, la signature d’une décharge de responsabilité au cas où un acheteur se prendrait une poutre sur la tête… Ça m’est arrivé de devoir donner rendez-vous à l’auberge du coin pour débriefer avec les acheteurs en sirotant un café bouillant. Une fois, un couple m’a regardé, blanc comme un drap, en murmurant : « Mais… vous croyez que ça tient debout ? »
J’ai reçu beaucoup de questions. Des techniques, des très techniques, des légèrement paranoïaques aussi : « Et si la Romande Energie installait une éolienne dans le champ juste à côté ? » J’ai là aussi documenté ma réponse, en démontrant que le projet d’éoliennes avait été abandonné.
Une visite bien particulière
Un jour, je fais visiter le bien à un groupe de jeunes visiblement très motivés, avec un projet « agricole » bien à eux. L’un d’eux, très sérieux, me demande le nombre d’ampères disponibles au compteur. Je réponds : « Ben… c’est un raccordement à 16 ampères, comme dans la plupart des maisons. »
Il fait une petite moue, regarde ses amis, puis enchaîne : « Parce que nous, on aurait besoin de… disons, dix fois plus. »
Ils me parlent ensuite d’un ancien poulailler industriel sur la parcelle, désaffecté, mais encore équipé d’un système de chauffage et de climatisation. Et qu’ils envisagent d’y installer des lampes. Beaucoup de lampes. Des lampes qui n’ont rien à voir avec des guirlandes de Noël.
Je n’ai pas posé plus de questions. Mais disons qu’à ce moment-là, j’ai senti qu’on ne parlait plus exactement de cultures maraîchères traditionnelles.
Une première offre sérieuse : quand l’équitation redonne espoir
J’ai reçu une dizaine d’offres. Une a été acceptée. Projet d’acte lancé. Les acheteurs avaient un projet familial touchant : leur fille faisait de l’équitation et la parcelle s’y prêtait parfaitement. Pouvoir installer un cheval dans une ancienne écurie, c’était presque trop beau pour être vrai.
Mais zone agricole oblige : publication officielle, droit d’achat préférentiel des agriculteurs. Et entre-temps… affaire familiale. La fille tombe malade. L’acheteuse se retire. Fin de l’histoire. Retour à la case départ.
L’espoir d’un nouveau départ : l’effet canicule
On avance. Le printemps passe, l’été revient, et ce n’est pas une mauvaise chose dans cette ferme à Saint-Oyens. Il fait chaud dehors, mais à l’intérieur de cette vieille bâtisse en pierre, c’est agréable. Fraîche, silencieuse, elle devient un havre de paix pour les visiteurs asphyxiés par la canicule. Certains font des remarques du style : « on se croirait dans une cave à vin« . C’était presque un argument de vente.
J’ai de nouveau des acheteurs motivés. Un couple sérieux, avec un projet clair, les finances qui suivent, et une condition : que la parcelle soit retirée du droit foncier rural. C’était LE moment de bascule. On y était presque.
La fatigue d’un cycle complet : retour à l’hiver, retour à la réalité
Mais l’été, comme tout en Suisse romande, n’a qu’un temps. L’automne s’installe, les jours raccourcissent, le thermomètre redescend. Et me voilà repartant pour des visites emmitouflées. Un an que je propose cette ferme. Un cycle complet. Quatre saisons de sueurs, d’espoirs, de dossiers.
Et toujours pas de vente. Le propriétaire refuse net. « C’est à eux de faire la démarche. » Sauf qu’ils ne peuvent pas la faire tant qu’ils ne sont pas propriétaires. Et lui, ne veut pas s’y engager. Blocage total.
Et là, j’ai commencé à sentir un doute profond : est-ce qu’il veut vraiment vendre ??
Dénouement : une vente qui n’aura pas lieu, mais pas en vain
L’issue de l’aventure immobilière à Saint-Oyens
Il n’y a pas eu de vente immobilière. J’ai fait plus de 150 visites. J’ai monté deux projets d’actes. J’ai répondu à des centaines de questions, analysé des documents, consulté des notaires, formé des acheteurs à la LDFR… Pour rien.
La commune a fini par annuler le permis de construire. Le propriétaire a retiré le mandat. Et moi, j’ai rendu les clés. Là, j’ai compris que je m’étais acharné bien trop longtemps. Et que parfois, la meilleure décision qu’on puisse prendre, c’est de s’arrêter.
La morale : ce que cette vente m’a appris pour la suite
Pourquoi je vous raconte cette histoire : l’utilité d’un échec assumé
Pourquoi je vous raconte cette vente ? Parce que même en matière d’immobilier, les histoires ne se terminent pas toujours par une fin heureuse. Et c’est justement ce genre d’échec qui rend les histoires suivantes plus solides, plus saines, mieux construites. Donner l’illusion que tous les mandats de vente peuvent aboutir serait malhonnête. D’ailleurs, si un courtier vous assure que c’est le cas, fuyez ! Il s’agit tout simplement de fausses promesses.
Ce que j’en ai tiré : un changement de posture
Cette vente m’a servi de tournant. Elle m’a appris à reconnaître les signaux faibles. Aujourd’hui, quand je rencontre un propriétaire qui me propose un bien en zone agricole, je pose des questions précises. Beaucoup de questions. Est-ce que le projet est réaliste ? Est-ce qu’on dispose des bons documents ? Est-ce que le vendeur a une raison claire de vendre ? Est-ce qu’il est prêt à avancer, vraiment ?
Je ne cherche plus à sauver les ventes à tout prix. Mon rôle, c’est de défendre l’intérêts des propriétaires vendeurs, donc de leurs éviter de perdre du temps, de l’argent, de l’énergie. Et de les accompagner dans un processus qui a du sens.
Ce que je retiens pour la suite : les leçons durables
J’en retiens plusieurs leçons :
- La zone agricole, c’est un univers à part. Avec ses propres codes, ses règles, ses absurdités. Mieux vaut savoir dans quoi on met les pieds.
- Avoir un permis ne veut pas dire qu’on peut vendre facilement. Surtout s’il date de 10 ans et qu’il était fait pour un projet très personnel.
- Mais surtout : un propriétaire qui n’est pas vraiment motivé à vendre, c’est la plus grosse entrave à une vente.
Aujourd’hui, je prends le temps d’évaluer, en amont, la véritable volonté de mes clients à vendre. Surtout pour un bien en zone agricole. Cette ferme-là, elle ne m’a rien rapporté financièrement. Mais elle m’a beaucoup appris. Et rien que pour ça, elle méritait qu’on la raconte.
Aujourd’hui, je suis plus clair que jamais : fini les faux espoirs
Et aujourd’hui, quand un acheteur me demande « Est-ce que je peux faire un logement supplémentaire ici ? » ou « Et si on créait deux appartements ? », je n’y vais plus par quatre chemins. Je regarde la zone, je regarde le plan, et je réponds : « Non. C’est en zone agricole. Vous avez déjà utilisé le potentiel d’agrandissement »
C’est peut-être moins vendeur, mais c’est clair. Et ça évite à tout le monde de perdre six mois et quelques illusions.
En conclusion : une confiance plus solide
Et si je vous raconte tout cela, c’est aussi pour vous dire que je continue, aujourd’hui encore, à accompagner des propriétaires dans leurs projets de vente – y compris en zone agricole. Mais avec plus de prudence, plus de clarté, et surtout, une priorité absolue : que tout le monde sache, dès le départ, où il met les pieds.
Suite à la lecture de cet article, si vous avez des questions, laissez un commentaire.
Je réponds à tout le monde avec grand plaisir !